Carmen 17 (in French by Maurice Rat) |
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O colonie, qui désires jouer sur ton pont si long et te tiens prête à y danser, les jambes mal assurées de ce pont qui chancelle te font craindre qu'il ne tombe sur le dos et ne se couche dans le marais profond. Puisse, au gré de tes voeux, s'élever à sa place un pont solide, où les Saliens eux-mêmes puissent faire leurs bonds sacrés ; mais avant, fais-moi jouir d'un spectacle qui me fera bien rire ! Je veux qu'un mien voisin tombe de ton pont dans la vase, qu'il s'y embourbe de la tête aux pieds, dans l'endroit le plus verdâtre de l'infect marais, là où le gouffre est le plus profond. L'homme en question est un sot fieffé, n'ayant pas plus de sens qu'un marmot de deux mois qui dort bercé dans les bras de son père. Il est marié à une jeune femme dans la fleur de l'âge, - jeune femme plus délicate qu'un tendre petit chevreau et dont la garde réclame plus de soins que les raisins bien noirs ; eh bien ! il la laisse folâtrer à sa guise, il s'en soucie comme d'un poil de sa barbe et, couché auprès d'elle, il ne bouge de sa place. Semblable à un arbre qui gît dans un fossé, abattu par la hache du Ligure, tel, et aussi insensible aux charmes de sa femme que si elle n'était pas à ses côtés, mon nigaud ne voit rien, n'entend rien ; il ne sait même pas de quel sexe il est et s'il existe ou non. Voilà l'homme que je veux aujourd'hui lancer du haut de ton pont la tête en bas, pour secouer, s'il se peut, sa torpeur d'abruti, pour laisser son engourdissement dans la lourde fange du marais, comme, dans un bourbier gluant, la mule laisse son sabot ferré.
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© copyright 8-7-2004 by Maurice Rat |
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