Si le souvenir du bien qu'il a fait est un plaisir pour l'honnête homme qui peut se dire à lui-même qu'il n'a jamais violé la sainteté du serment, ni jamais, pour tromper ses semblables, abusé de la puissance des dieux, [5] que de joies, ô Catulle, si longue que soit ta vie, te promet un amour si mal récompensé ! Tout ce qu'un homme peut dire et faire de plus bienveillant, tu l'as dit, tu l'as fait, mais en vain, pour l'ingrate qui te trompe. [10] À quoi bon prolonger tes tortures ? reprends courage, romps pour toujours tes chaînes, et, quand les dieux condamnent ton amour, cesse de faire toi-même ton malheur. II est difficile de renoncer tout à coup à un amour si long ; difficile, sans doute ; mais tu dois tout faire pour y parvenir. [15] Là est le seul salut, il te faut remporter cette victoire. II le faut, possible ou non. O dieux ! si la pitié est votre attribut, si jamais vous avez porté secours aux malheureux luttant contre les angoisses suprêmes de la mort, contemplez mon infortune, et, si ma vie fut pure, [20] délivrez-moi de ce fléau destructeur, qui, se glissant comme un poison torpide jusqu'au fond de mes veines, a banni toute joie de mon coeur ! Je ne demande plus qu'elle me paye de retour, ou, - ce serait demander l'impossible, - qu'elle veuille bien écouter la pudeur ; [25] je ne désire que guérir moi-même et chasser cette maladie noire ! O dieux accordez-moi cette grâce pour prix de ma piété !