Juventius aussi doux que le miel, je t'ai ravi en jouant, un petit baiser plus doux que la douce ambroisie ! Mais ce baiser ne fut pas impuni. Pendant plus d'une heure, en proie, - je m'en souviens, - au plus cruel supplice, [5] j'ai tâché de me justifier ; mes pleurs n'ont pu désarmer, si peu que ce fût, ta rigueur. À peine t'avais-je pris ce baiser que, pour effacer jusqu'à la trace du contact d'une bouche, tu as essuyé de tous tes doigts tes lèvres humectées, [10] comme si [une immonde bave] les eût souillées de son impure salive. De plus, tu m'as fait longtemps éprouver tous les tourments d'un amour dédaigné ; tu as changé pour moi en un poison plus amer que l'hellébore amer l'ambroisie de ce petit baiser. [15] Puisque c'est le châtiment que tu réserves à l'amour malheureux, jamais plus je ne te ravirai de baisers !