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 Gaius Valerius Catullus     
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Carmen 64
In   by  Maurice Rat.
Jadis les pins, nés sur le sommet du Pélion, traversant, dit-on, les eaux limpides de Neptune, parvinrent jusqu'aux flots du Phase et jusqu'aux frontières d'Eétès lorsque des héros robustes, l'élite de la jeunesse argienne, [5] méditant de ravir à la Colchide la toison d'or, osèrent, sur un rapide esquif, parcourir l'onde salée et balayer la plaine d'azur sous leur aviron de sapin. La déesse, protectrice des citadelles situées sur les acropoles, [10] courbant elle-même les ais flexibles des pins entrelacés, construisit ce char qu'un léger souffle fit voler et qui, le premier, effleura de sa course Amphitrite vierge encore. À peine son rostre eut-il sillonné la plaine venteuse ; à peine, déchirée par les rames, l'onde se couvrit-elle d'une blanche écume, que du gouffre bouillonnant, on vit sortir [15] les Néréides des mers qui admiraient le monstre. Cette fois, une autre, puis une autre encore, des yeux mortels purent voir les Nymphes de la mer, dont le corps nu et les seins s'élevaient au-dessus du gouffre blanc d'écume.

C'est alors, dit-on, que Pélée, s'enflamme d'amour pour Thétis ; [20] alors, que Thétis ne dédaigne pas l'hymen d'un mortel ; alors, que le père de Thétis consentit de lui-même à unir Thétis à Pélée.

Salut, héros nés dans des temps trop heureux ! Salut, race des dieux ! Digne progéniture de vos mères, salut encore une fois ! Je vous invoquerai souvent dans mes chants, [25] toi surtout, colonne de la Thessalie, Pélée, dont une alliance si fortunée vint encore rehausser la gloire, toi à qui Jupiter lui-même, le père des dieux lui-même, céda l'objet de ses amours ! Ainsi donc la très belle Thétis, fille de Nérée, t'a reçu dans ses bras ? Ainsi donc Téthys [30] et l'Océan, dont les eaux embrassent l'univers, t'ont jugé digne de leur petite fille ?

Les temps sont écoulés, il luit enfin ce jour si ardemment désiré, et toute la Thessalie s'est rassemblée dans la demeure royale. Une foule joyeuse inonde le palais ; tous apportent leurs dons ; l'allégresse est peinte sur les visages. [35] Scyros est déserte, la riante Tempé délaissée, ainsi que les demeures de Cranon et les murs de Larisse ; on accourt à Pharsale, on s'empresse sous les toits de Pharsale. Personne ne cultive les champs ; les cous des taureaux se détendent. Le râteau recourbé ne purge plus la vigne rampante ; [40] le taureau ne fend plus la glèbe d'un soc incliné ; la faux des élagueurs n'émonde plus le feuillage des arbres et les charrues à l'abandon se couvrent d'une rouille épaisse.

Cependant le palais du roi, dans toute la profondeur de ses vastes salles, resplendit de l'éclat de l'or et de l'argent. [45] L'ivoire des sièges luit ; des coupes brillent sur les tables. Toute la demeure réjouit les yeux par ses trésors royaux. Au centre des appartements s'élève le lit nuptial de la déesse ; les défenses de la bête des Indes l'ornent ; un voile pourpre teint du suc rose d'un coquillage la recouvre ; [50] l'art y broda avec une adresse merveilleuse mille groupes divers, les hommes des anciens âges et les hauts faits des héros.

On y voit Ariane, le coeur gros des fureurs d'un amour indomptable, qui, des rivages de Dia aux flots retentissants regarde s'éloigner Thésée avec sa flotte rapide. Elle le voit ; mais, à peine échappée aux trompeuses douceurs du sommeil, [55] elle n'en peut croire ses yeux, malheureuse laissée seule sur une plage déserte. Cependant le guerrier fuit et frappe les flots de ses rames, et les vents des tempêtes emportent ses vaines promesses. [60] De loin, au milieu des algues, les yeux baignés de larmes, comme la statue de marbre d'une Bacchante, elle voit le parjure, elle le voit, hélas ! et son regard incertain flotte sur les vagues des peines ! Plus de bandeau, dont le tissu subtil retienne ses blonds cheveux ; plus de voile léger qui couvre sa gorge nue ; [65] plus de fine écharpe qui masque les boutons de sa gorge couleur de lait. Elle s'est dépouillée de tous ses ornements ; ils sont tombés à ses pieds, les flots salés s'en jouent. Que lui font son bandeau et son voile flottant au gré des ondes ; dans son délire, [70] c'est Thésée qui remplit toute son âme, tout son coeur, toutes ses pensées.

Ah ! malheureuse ! à quel deuil éternel t'a réduite l'Érycine, quels soucis cuisants elle a semés dans ton coeur, depuis le moment où, parti des côtes découpées du Pirée, le fier Thésée [75] entra dans le temple de l'injuste roi de Gortyne ! Car on raconte que, ravagée par une peste cruelle, Athènes, pour expier le meurtre d'Androgée, dut prendre l'habitude de livrer l'élite de ses jeunes gens et aussi la fleur de ses vierges pour servir de pâture au Minotaure. [80] Voyant les remparts de son étroite ville dépeuplés par ce fléau, Thésée préféra se sacrifier lui-même pour sa chère Athènes, plutôt que de laisser la ville de Cécrops porter à la Crète ces vivants condamnés à mort. Bientôt, porté sur un léger navire, et secondé par des brises légères, [85] il arrive au palais superbe de l'orgueilleux Minos.

Il paraît, et la vierge royale le contemple d'un oeil avide. Un chaste petit lit exhalant de suaves parfums la voyait jusqu'alors grandir dans les doux embrassements de sa mère : tels croissent les myrtes aux bords de l'Eurotas ; [90] tels, au souffle du printemps, les prés s'émaillent de mille fleurs. Elle n'a point encore détaché du héros ses brûlants regards que déjà tout son corps est embrasé d'une flamme pénétrante qui la brûle tout entière jusqu'au fond de ses moelles. Toi qui attises, hélas ! si misérablement les fureurs d'un cruel délire, [95] enfant sacré qui mêles tant de soucis aux plaisirs des mortels, et toi, reine de Golges et de l'antique Idalie, dans quel torrent d'inquiétudes avez-vous plongé cette vierge brûlante, qui soupire si souvent pour son étranger blond ! Que de craintes ont accablé son coeur languissant ! [100] Que de fois une pâleur plus jaune que l'or brillant a couvert son visage, lorsque brûlant de combattre le monstre cruel, Thésée courait affronter la mort ou cueillir la palme de la gloire ! Pourtant, agréables aux dieux, elles ne furent pas vaines pour son bonheur, les offrandes qu'elle leur promit et les voeux qu'elle prononça à voix basse !

[105] Tel, lorsque l'ouragan de son souffle indompté tord et abat le chêne qui agite ses branches, ou le pin conifère à l'écorce suintante qui habitent la cime du Taurus ; l'arbre déraciné tombe, la tête en avant, brisant au loin tout ce qu'il rencontre ; [110] - ainsi Thésée dompta et terrassa le monstre cruel qui frappe en vain les vents impalpables de ses cornes. Alors, échappé au danger, le héros couvert de gloire s'en revint, un fil léger conduisant ses pas, grâce auquel il put sortir des détours du labyrinthe [115] sans errer dans l'inextricable dédale de l'édifice.

Mais pourquoi, m'éloignant du sujet que je chante, me livrer plus longtemps à de pareils écarts ? Dirai-je comment, se dérobant aux regards d'un père, aux embrassements d'une soeur, à ceux d'une pauvre mère qui faisait d'elle sa joie éperdue, [120] Ariane, à toute sa famille, préfère les douceurs de l'amour de Thésée ? comment un vaisseau la transporta sur les côtes écumeuses de Dia ? comment, profitant du sommeil qui enchaînait ses sens, un ingrat époux l'abandonna et s'éloigna ? Souvent, dit-on, son ardente fureur [125] s'exhala en cris aigus, échappés du fond de sa poitrine : tantôt, inconsolable, elle gravissait les monts escarpés et promenait au loin ses regards sur les flots verts de la mer ; tantôt, pour courir contre les vagues frémissantes, elle relevait sur ses jambes nues sa robe flottante. [130] Telles furent les dernières plaintes qui s'échappèrent de ses lèvres glacées à travers des sanglots de douleur :

"Ainsi donc, perfide, perfide Thésée, après m'avoir ravie aux autels de mon père, tu m'as laissée sur cette plage déserte ? Ainsi donc, au mépris de la puissance des dieux, [135] tu t'éloignes, plein d'ingratitude, hélas ! et tu retournes dans ta patrie, chargé du poids d'un parjure maudit ? Rien n'a donc pu fléchir le cruel dessein de ton esprit ! Nulle clémence n'était donc en toi pour que ton coeur impitoyable consentît à me prendre en pitié ! Ce ne sont pas là les promesses que m'avait faites [140] ta voix caressante, l'espoir dont tu berçais ta malheureuse amante, mais de joyeuses noces, mais un hymen objet de tous mes voeux... Frivoles promesses que les vents emportent dans les airs ! Qu'aucune femme désormais n'ajoute foi aux promesses d'un homme, n'espère entendre de la bouche d'un homme des paroles sincères ! [145] Quand ils sont embrasés du désir d'obtenir quelque chose, aucun serment ne leur coûte, aucune promesse ne les retient ; mais, une fois satisfaite la fantaisie de leur âme avide, ils n'hésitent pas devant les promesses, ils n'ont aucun souci des parjures.

"Et pourtant, c'est moi qui t'ai sauvé, lorsqu'une mort certaine tournait autour de toi ; [150] moi qui ai sacrifié mon propre frère, plutôt que d'abandonner un perfide comme toi en ce moment suprême. Pour prix de tant d'amour, me voici livrée, proie qu'ils vont dévorer, aux bêtes et aux oiseaux ; je vais mourir sans qu'un peu de terre soit jeté sur mes restes. Quelle lionne t'a donné le jour sous un roc solitaire ? [155] Quelle mer, une fois conçu, t'a vomi de ses flots d'écume ? Sont-ce les Syrtes ou la dévorante Scylla ou la vaste Charybde qui t'ont donné l'être, toi qui me payes ainsi de la douceur de vivre ? Si les ordres barbares et terribles de ton vieux père éloignaient ton coeur de cet hymen, [160] ne pouvais-tu du moins me conduire dans ta demeure ? esclave soumise, il m'eût été doux de te servir, de laver tes pieds blancs dans une eau limpide, de couvrir ton lit de tapis de pourpre.

"Mais pourquoi, malheureuse, dans mon égarement, fatiguer de mes plaintes [165] les brises ignorantes, qui, insensibles à mes cris, ne peuvent ni entendre les paroles qui m'échappent ni me répondre. Lui cependant, il vogue déjà en pleine mer, et nul mortel ne s'offre à mes yeux parmi ces algues désertes. Ainsi, en ce moment funeste, le sort barbare insultant à mes maux [170] va jusqu'à refuser à mes plaintes une oreille qui les entende. Puissant Jupiter ! plût au ciel que jamais, depuis les premiers temps, des navires cécropiens n'eussent touché les rivages de Gnosse ! Que jamais un perfide nautonier, apportant au taureau indompté un cruel tribut, n'eût jeté l'ancre en Crète ! [175] Que jamais, cachant des desseins cruels sous les dehors les plus doux, un étranger maudit n'eût reposé dans notre demeure ! Où fuir désormais ? Quel espoir me reste-t-il dans ma détresse ? Regagnerai-je les monts de l'Ida ? Hélas ! un vaste abîme et les eaux d'une mer tumultueuse m'en séparent. [180] Compterai-je encore sur les secours d'un père ? mais je l'ai quitté pour suivre un criminel arrosé du sang de mon frère. Trouverai-je du moins des consolations dans l'amour d'un époux fidèle ? mais il fuit, courbant sur l'abîme ses rames flexibles... Puis, une côte sans habitation ; une île déserte ; [185] point d'issue, les flots de la mer m'enveloppent de toutes parts. Nul moyen, nul espoir de salut ; partout le silence ; partout la solitude ; partout la mort présente... Mais avant que le trépas ferme mes yeux, avant que le sentiment abandonne mon corps épuisé, [190] j'implorerai des dieux, à mon heure dernière, le juste châtiment de l'homme qui m'a trahie. Vous qui châtiez et punissez les crimes des mortels, Euménides, dont la tête couronnée d'une chevelure de serpents porte empreint le courroux qui brûle dans vos âmes ; [195] venez ici, venez et écoutez mes plaintes, ces plaintes, hélas ! que dans mon malheur, le désespoir, l'amour, la démence et sa fureur aveugle arrachent du fond de mon être ! Et s'il est vrai qu'elles partent du fond de mon coeur, ne souffrez pas que ma proie soit vaine ! [200] Faites, déesses, que par un oubli semblable à celui dont je suis victime, Thésée fasse son malheur et celui des siens."

Ces mots que proféra du fond de son coeur Ariane, réclamant avec angoisse le châtiment d'un cruel forfait, ces mots furent entendus du dieu qui règne sur les dieux du ciel ; [205] au signe invincible de sa tête, la terre trembla les mers cabrées mugirent, la voûte du ciel agita les astres étincelants. Soudain un épais nuage enveloppa l'esprit de Thésée et l'aveugla, sa mémoire s'abolit, il oublia les ordres paternels, jusqu'alors toujours présents à sa pensée : [210] il négligea de hisser le signe heureux qui doit rassurer son père alarmé et lui apprendre que son fils revoit sain et sauf le port d'Erechthée. Car on dit qu'au moment où son fils quittait sur un vaisseau les murs de la déesse, Égée, avant de le confier aux vents, le pressa sur son coeur et lui fit ces recommandations :

[215] "O mon fils, mon fils unique, toi qui m'es plus cher qu'une longue existence ! toi qu'il me faut livrer aux hasards incertains, toi qui viens à peine de m'être rendu à la fin de mes vieux jours ! puisque mon sort et ton bouillant courage t'enlèvent malgré moi à moi-même, dont les yeux affaiblis par l'âge [220] n'ont pas encore pu se rassasier de ta figure chérie, je ne saurais éprouver de joie ni de plaisir en te quittant, ni souffrir que tu étales les signes d'une fortune prospère. Mais je commencerai par exhaler mes douloureux regrets ; par souiller de poussière et de terre mes cheveux blancs ; [225] puis je suspendrai des banderoles de couleur à ton mât vagabond, pour que la sombre rouille de la toile ibérique dise mon deuil et mon angoisse. Si l'habitante de la sainte Itone, protectrice des courageux défenseurs de notre race et de la terre d'Érechthée, [230] réserve à ta main la gloire de verser le sang du taureau, grave profondément dans ta mémoire ces ordres vigilants, que le temps ne doit jamais effacer. Dès que tes yeux reverront nos collines, souviens-toi de dépouiller tes antennes de ces lugubres vêtements ; [235] que des voiles blanches s'élèvent et resplendissent à tes mâts, afin qu'à cette vue je reconnaisse le signal de joie et d'allégresse au jour venu de ton retour heureux !"

Ces instructions, dont Thésée jusqu'ici avait constamment gardé le souvenir, fuient alors de sa mémoire aussi rapidement que les nuages chassés par le souffle des vents [240] s'éloignent du haut sommet d'un mont neigeux. Cependant son père interrogeait l'horizon du haut de la citadelle, d'un oeil inquiet, que consumaient des larmes sans fin. À peine a-t-il aperçu les toiles de la voilure gonflées que, [245] croyant son fils ravi par un cruel destin, il se précipita du haut des rochers. Ainsi le fier Thésée, rentrant dans son palais que la mort de son père a déjà rempli de deuil, ressentit à son tour les maux que son coeur ingrat avait fait éprouver à la fille de Minos, lorsque l'infortunée, suivant des yeux sa carène fuyante, [250] roulait dans son coeur ulcéré mille sombres pensées.

Sur une autre partie (de la tapisserie), on voyait Iacchus florissant voltiger au milieu d'un thiase de Satyres et de Silènes Nysigènes. Il te cherchait, Ariane, car son coeur brûlait d'amour pour toi. Agiles, ivres d'un saint délire, ils couraient de tous côtés [255] chantant : Evoé ! Evoé ! et bondissaient en secouant leurs têtes. Les uns agitaient des thyrses à la pointe couverte de feuillage ; les autres arrachaient les membres d'un taureau mis en pièces ; ceux-ci ceignaient leurs corps de serpents enlacés ; ceux-là, portant les corbeilles mystiques, célébraient les orgies que les profanes brûlent en vain d'entendre. Ici, le tambourin retentit du choc des paumes ; [260] là, l'airain arrondi des cymbales rend un son clair et vif. Beaucoup soufflaient dans des cornes, d'où s'exhalaient de rauques bourdonnements, et la trompette barbare striait l'air de son chant horrible.

[265] Telles étaient les figures diverses représentées sur les tapisseries magnifiques dont les plis embrassaient le lit nuptial. Après avoir joui longtemps du spectacle, la jeunesse thessalienne céda la place aux dieux saints. Comme au lever de l'aurore, au seuil du Soleil errant, on voit [270] le souffle matinal du Zéphyr, soulevant les vagues houleuses, rider les ondes tranquilles : d'abord, agitées par sa douce haleine, elles se déroulent lentement, et ne font entendre que des rires légers ; mais bientôt le vent augmente, les vagues s'enflent de plus en plus, [275] et réfléchissent, en s'éloignant, les teintes pourprées qui les colorent : telle, cette foule immense s'éloigne du royal péristyle, et, regagnant ses demeures, se disperse de tous côtés.

Après leur départ, le premier se présenta Chiron, qui, de la cime du Pélion, apporte des offrandes silvestres. [280] Toutes les fleurs que portent les plaines, toutes celles que produit la terre de Thessalie sur ses grandes montagnes, toutes celles que la féconde haleine du tiède Favonius fait éclore sur les rives de son fleuve, il a tout moissonné ; et les guirlandes confondues embaument, et toute la maison rit sous la caresse de leur suave odeur. [285] Aussitôt après Pénée accourt ; il a quitté la verte Tempé, Tempé que les forêts ceignent et dominent de toute part, que les Naïades animent de leurs danses doriques. Il n'a pas les mains vides ; il a apporté de hauts hêtres avec leurs racines, de grands lauriers élancés à la tige droite, [290] sans oublier le platane dont la cime remue, et l'arbre flexible qui rappelle la sueur de Phaéthon en flammes, et le cyprès aérien ; il a entrelacé leurs feuillages divers à l'entour du palais et en décore le vestibule d'un voile de verdure. L'ingénieux Prométhée le remplace ; [295] il porte encore les cicatrices presque effacées du châtiment qu'il subit jadis, lorsqu'il fut attaché par une chaîne à un rocher et suspendu au bord d'un précipice. Enfin le père des dieux, sa sainte épouse et ses enfants descendirent de l'Olympe, ne laissant que Phébus dans le ciel, [300] et, dans les montagnes, sa jumelle, Diane, habitante de l'Idrus, qui, comme son frère, dédaignant Pélée, refusa d'honorer de sa présence les torches nuptiales de Thétis.

Lorsque les dieux se furent assis sur des sièges couleur de neige, on dressa devant eux des tables couvertes de mets de toutes sortes ; [305] et les Parques commencèrent leurs chants prophétiques, dont leurs faibles mouvements marquaient la cadence. Une robe blanche bordée de pourpre descendant jusqu'à leurs talons couvrait leurs corps tremblants ; des bandelettes couleur de neige ceignaient leurs lignes roses [310] et leurs mains travaillaient sans cesse à leur tâche éternelle ; la gauche tenait la quenouille chargée d'une laine moelleuse ; la droite tirait légèrement les brins, en formait un fil avec les doigts relevés, puis les tordait sous le pouce incliné, faisant tourner le fuseau équilibré sur le rond peson. [315] Leurs dents sans cesse promenées sur l'oeuvre l'égalisaient avec soin et en arrachaient les parcelles superflues qui s'attachaient à leurs lèvres desséchées. À leurs pieds des corbeilles de jonc renfermaient les doux flocons de laine blanche. [320] En tournant leurs fuseaux, les déesses, d'une voix sonore, déroulèrent les destins dans un chant prophétique que les siècles futurs jamais ne démentiront :

"Protecteur de la puissance Émathienne, dont tes grandes vertus rehaussent l'incomparable gloire ; toi qui seras plus illustre encore par le fils qui naîtra de toi ; [325] écoute, en ce beau jour, l'infaillible oracle que vont dévoiler les trois soeurs. Et vous qui tournez les fils que suivent les destins, courez, courez, fuseaux !

"Bientôt viendra pour toi Hesperus, t'apportant les plaisirs que désire un époux : astre propice, il va t'amener la jeune épouse [330] qui doit inonder ton âme des douceurs de l'amour, et qui, passant ses bras lisses sous ton cou robuste, se préparera près de toi aux langueurs du sommeil. Vous qui tournez les fils, courez, courez, fuseaux !

"Jamais demeure ne couvrit de telles amours, [335] jamais amour n'enchaîna deux amants par des noeuds aussi beaux que ceux qui unissent maintenant les coeurs de Thétis et de Pélée. Vous qui tournez les fils, courez, courez, fuseaux.

"De vous naîtra Achille étranger à la crainte, et dont l'ennemi ne verra jamais le dos, mais la mâle poitrine ; [340] Achille, qui, très souvent vainqueur au concours de la course, devancera les pas enflammés de la biche rapide. Vous qui tournez les fils, courez, courez, fuseaux.

"Nul héros n'osera se mesurer avec lui dans cette guerre où le sang des Troyens arrosera les terres de la Phrygie, [345] quand le troisième héritier du parjure Pélops, après un long siège, dépeuplera les remparts de Troie. Vous qui tournez les fils, courez, courez, fuseaux.

"Que de fois elles attesteront son courage hors de pair et ses brillants exploits, ces mères qui, pleurant leurs fils, [350] dénoueront, pour les couvrir de cendre, les cheveux blancs de leur front, et, d'une main défaillante, meurtriront leur sein flétri. Vous qui tournez les fils, courez, courez, fuseaux.

"Tels, on voit sous la faux du moissonneur tomber les épis pressés sous le soleil ardent ; [355] tels, sous son fer fatal, tomberont les guerriers troyens. Vous qui tournez les fils, courez, courez, fuseaux.

"Témoin de ses hauts faits, le Scamandre, qui porte de partout à l'Hellespont vorace le tribut de ses ondes, verra sa route rétrécie par des monceaux de cadavres, [360] et les flots de sang versés par Achille tiédiront ses eaux profondes. Vous qui tournez les fils, courez, courez, fuseaux.

"Tu en seras aussi le témoin, victime dévouée au fer meurtrier, vierge infortunée, toi dont le tertre arrondi amassé sur ses cendres attend les membres blancs comme la neige. [365] Vous qui tournez les fils, courez, courez, fuseaux.

"Car, lorsque le destin aura enfin livré la ville de Dardanus et les remparts bâtis par Neptune aux Grecs épuisés, le sang de Polyxène arrosera le sommet de sa tombe. Telle la victime qui tombe sous le fer à deux tranchants, [370] affaissée sur ses genoux et le corps décapité. Vous, qui tournez les fils, courez, courez, fuseaux.

" Allez donc, formez ces noeuds d'amour si désirés. Qu'une heureuse alliance unisse l'époux à la déesse ; que la mariée s'abandonne enfin aux impatients désirs de son mari. [375] Vous qui tournez les fils, courez, courez, fuseaux.

"Demain, au lever de l'aurore, sa nourrice en la revoyant ne pourra plus lui ceindre le cou du même fil que la veille. Vous qui tournez les fils, courez, courez, fuseaux.

"Jamais ta mère anxieuse n'aura la douleur de voir sa fille, [380] exilée par la discorde du lit nuptial, lui ravir le si doux espoir d'avoir des petits fils bien-aimés. Vous qui tournez les fils, courez, courez, fuseaux."

C'est ainsi que jadis, dans leurs chants divins, les Parques révélèrent à Pélée ses destinées heureuses. Car, dans ces temps reculés, les habitants des cieux visitaient les chastes [385] demeures des héros et se mêlaient aux réunions des mortels, qui ne dédaignaient pas encore la piété. Souvent, lorsque l'année ramenait la pompe des fêtes sacrées, le père des dieux revenant voir son temple resplendissant, vit cent taureaux abattus pour lui. [390] Souvent, Bacchus errant aux sommets du Parnasse, conduisit les Thyades échevelées qui criaient Evohé, tandis que Delphes tout entière, se précipitant hors de ses murailles, accueillait le dieu avec joie, devant les autels fumants. Souvent, au milieu des mêlées meurtrières de la guerre, [395] la déesse du rapide Triton ou la vierge de Rhammonte animèrent les bataillons armés par leur présence. Mais quand une fois le crime d'impiété eut souillé la terre ; quand la cupidité eut banni la justice de tous les coeurs ; quand les frères eurent trempé leurs mains dans le sang de leurs frères ; [400] quand le fils eut cessé de pleurer la perte de ses parents ; quand le père eut désiré la mort de son premier-né ; pour être libre de cueillir la fleur d'une vierge marâtre ; quand une mère impie, oui impie, abusant de l'ignorance de son fils, n'eut pas craint en couchant avec lui d'outrager les dieux pénates ; [405] quand, confondant le sacré et le profane, un coupable délire eut soulevé contre nous la juste colère des dieux ; dès lors ils ne daignent plus descendre parmi nos assemblées et ne souffrent plus que nous les coudoyons dans la claire lumière.
In   by  Catullus.
Peliaco quondam prognatae vertice pinus
dicuntur liquidas Neptuni nasse per undas
Phasidos ad fluctus et fines Aeetaeos,
cum lecti iuvenes, Argivae robora pubis,
auratam optantes Colchis avertere pellem
ausi sunt vada salsa cita decurrere puppi,
caerula verrentes abiegnis aequora palmis.
diva quibus retinens in summis urbibus arces
ipsa levi fecit volitantem flamine currum,
pinea coniungens inflexae texta carinae.
illa rudem cursu prima imbuit Amphitriten;
quae simul ac rostro ventosum proscidit aequor
tortaque remigio spumis incanuit unda,
emersere freti candenti e gurgite vultus
aequoreae monstrum Nereides admirantes.
illa, atque alia, viderunt luce marinas
mortales oculis nudato corpore Nymphas
nutricum tenus exstantes e gurgite cano.
tum Thetidis Peleus incensus fertur amore,
tum Thetis humanos non despexit hymenaeos,
tum Thetidi pater ipse iugandum Pelea sensit.
o nimis optato saeclorum tempore nati
heroes, salvete, deum genus! o bona matrum
progenies, salvete iter...
vos ego saepe, meo vos carmine compellabo.
teque adeo eximie taedis felicibus aucte,
Thessaliae columen Peleu, cui Iuppiter ipse,
ipse suos divum genitor concessit amores;
tene Thetis tenuit pulcerrima Nereine?
tene suam Tethys concessit ducere neptem,
Oceanusque, mari totum qui amplectitur orbem?
quae simul optatae finito tempore luces
aduenere, domum conventu tota frequentat
Thessalia, oppletur laetanti regia coetu:
dona ferunt prae se, declarant gaudia vultu.
deseritur Cieros, linquunt Pthiotica Tempe
Crannonisque domos ac moenia Larisaea,
Pharsalum coeunt, Pharsalia tecta frequentant.
rura colit nemo, mollescunt colla iuvencis,
non humilis curuis purgatur vinea rastris,
non glebam prono conuellit vomere taurus,
non falx attenuat frondatorum arboris umbram,
squalida desertis rubigo infertur aratris.
ipsius at sedes, quacumque opulenta recessit
regia, fulgenti splendent auro atque argento.
candet ebur soliis, collucent pocula mensae,
tota domus gaudet regali splendida gaza.
puluinar vero divae geniale locatur
sedibus in mediis, Indo quod dente politum
tincta tegit roseo conchyli purpura fuco.
haec vestis priscis hominum uariata figuris
heroum mira virtutes indicat arte.
namque fluentisono prospectans litore Diae,
Thesea cedentem celeri cum classe tuetur
indomitos in corde gerens Ariadna furores,
necdum etiam sese quae visit visere credit,
utpote fallaci quae tum primum excita somno
desertam in sola miseram se cernat harena.
immemor at iuvenis fugiens pellit uada remis,
irrita ventosae linquens promissa procellae.
quem procul ex alga maestis Minois ocellis,
saxea ut effigies bacchantis, prospicit, eheu,
prospicit et magnis curarum fluctuat undis,
non flavo retinens subtilem vertice mitram,
non contecta levi uelatum pectus amictu,
non tereti strophio lactentis vincta papillas,
omnia quae toto delapsa e corpore passim
ipsius ante pedes fluctus salis alludebant.
sed neque tum mitrae neque tum fluitantis amictus
illa vicem curans toto ex te pectore, Theseu,
toto animo, tota pendebat perdita mente.
misera, assiduis quam luctibus externauit
spinosas Erycina serens in pectore curas,
illa tempestate, ferox quo ex tempore Theseus
egressus curuis e litoribus Piraei
attigit iniusti regis Gortynia templa.
nam perhibent olim crudeli peste coactam
Androgeoneae poenas exsoluere caedis
electos ivuenes simul et decus innuptarum
Cecropiam solitam esse dapem dare Minotauro.
quis angusta malis cum moenia uexarentur,
ipse suum Theseus pro caris corpus Athenis
proicere optauit potius quam talia Cretam
funera Cecropiae nec funera portarentur.
atque ita nave leui nitens ac lenibus auris
magnanimum ad Minoa venit sedesque superbas.
hunc simul ac cupido conspexit lumine uirgo
regia, quam suauis exspirans castus odores
lectulus in molli complexu matris alebat,
quales Eurotae praecingunt flumina myrtus
aurave distinctos educit verna colores,
non prius ex illo flagrantia declinauit
lumina, quam cuncto concepit corpore flammam
funditus atque imis exarsit tota medullis.
heu misere exagitans immiti corde furores
sancte puer, curis hominum qui gaudia misces,
quaeque regis Golgos quaeque Idalium frondosum,
qualibus incensam iactastis mente puellam
fluctibus, in flavo saepe hospite suspirantem!
quantos illa tulit languenti corde timores!
quanto saepe magis fulgore expalluit auri,
cum saevum cupiens contra contendere monstrum
aut mortem appeteret Theseus aut praemia laudis!
non ingrata tamen frustra munuscula divis
promittens tacito succepit vota labello.
nam velut in summo quatientem brachia Tauro
quercum aut conigeram sudanti cortice pinum
indomitus turbo contorquens flamine robur,
eruit (illa procul radicitus exturbata
prona cadit, late quaevis cumque obuia frangens,)
sic domito saeuum prostravit corpore Theseus
nequiquam vanis iactantem cornua ventis.
inde pedem sospes multa cum laude reflexit
errabunda regens tenui vestigia filo,
ne labyrintheis e flexibus egredientem
tecti frustraretur inobseruabilis error.
sed quid ego a primo digressus carmine plura
commemorem, ut linquens genitoris filia vultum,
ut consanguineae complexum, ut denique matris,
quae misera in gnata deperdita laeta
omnibus his Thesei dulcem praeoptarit amorem:
venerit aut ut vecta rati spumosa ad litora Diae
aut ut eam devinctam lumina somno
liquerit immemori discedens pectore coniunx?
saepe illam perhibent ardenti corde furentem
clarisonas imo fudisse e pectore voces,
ac tum praeruptos tristem conscendere montes,
unde aciem pelagi vastos protenderet aestus,
tum tremuli salis aduersas procurrere in undas
mollia nudatae tollentem tegmina surae,
atque haec extremis maestam dixisse querellis,
frigidulos udo singultus ore cientem:
'sicine me patriis auectam, perfide, ab aris
perfide, deserto liquisti in litore, Theseu?
sicine discedens neglecto numine divum,
immemor a! devota domum periuria portas?
nullane res potuit crudelis flectere mentis
consilium? tibi nulla fuit clementia praesto,
immite ut nostri vellet miserescere pectus?
at non haec quondam blanda promissa dedisti
voce mihi, non haec miserae sperare iubebas,
sed conubia laeta, sed optatos hymenaeos,
quae cuncta aereii discerpunt irrita uenti.
nunc iam nulla uiro iuranti femina credat,
nulla uiri speret sermones esse fideles;
quis dum aliquid cupiens animus praegestit apisci,
nil metuunt iurare, nihil promittere parcunt:
sed simul ac cupidae mentis satiata libido est,
dicta nihil metuere, nihil periuria curant.
certe ego te in medio versantem turbine leti
eripui, et potius germanum amittere creui,
quam tibi fallaci supremo in tempore dessem.
pro quo dilaceranda feris dabor alitibusque
praeda, neque iniacta tumulabor mortua terra.
quaenam te genuit sola sub rupe leaena,
quod mare conceptum spumantibus exspuit undis,
quae Syrtis, quae Scylla rapax, quae vasta Carybdis,
talia qui reddis pro dulci praemia uita?
si tibi non cordi fuerant conubia nostra,
saeua quod horrebas prisci praecepta parentis,
attamen in uestras potuisti ducere sedes,
quae tibi iucundo famularer serua labore,
candida permulcens liquidis vestigia lymphis,
purpureaue tuum consternens veste cubile.
sed quid ego ignaris nequiquam conquerar auris,
externata malo, quae nullis sensibus auctae
nec missas audire queunt nec reddere voces?
ille autem prope iam mediis versatur in undis,
nec quisquam apparet vacua mortalis in alga.
sic nimis insultans extremo tempore saeva
fors etiam nostris inuidit questibus auris.
Iuppiter omnipotens, utinam ne tempore primo
Gnosia Cecropiae tetigissent litora puppes,
indomito nec dira ferens stipendia tauro
perfidus in Cretam religasset navita funem,
nec malus hic celans dulci crudelia forma
consilia in nostris requiesset sedibus hospes!
nam quo me referam? quali spe perdita nitor?
Idaeosne petam montes? at gurgite lato
discernens ponti truculentum dividit aequor.
an patris auxilium sperem? quemne ipsa reliqui
respersum iuvenem fraterna caede secuta?
coniugis an fido consoler memet amore?
quine fugit lentos incurvans gurgite remos?
praeterea nullo colitur sola insula tecto,
nec patet egressus pelagi cingentibus undis.
nulla fugae ratio, nulla spes: omnia muta,
omnia sunt deserta, ostentant omnia letum.
non tamen ante mihi languescent lumina morte,
nec prius a fesso secedent corpore sensus,
quam iustam a diuis exposcam prodita multam
caelestumque fidem postrema comprecer hora.
quare facta uirum multantes vindice poena
Eumenides, quibus anguino redimita capillo
frons exspirantis praeportat pectoris iras,
huc huc adventate, meas audite querellas,
quas ego, vae misera, extremis proferre medullis
cogor inops, ardens, amenti caeca furore.
quae quoniam verae nascuntur pectore ab imo,
vos nolite pati nostrum vanescere luctum,
sed quali solam Theseus me mente reliquit,
tali mente, deae, funestet seque suosque.'
has postquam maesto profudit pectore uoces,
supplicium saevis exposcens anxia factis,
annuit inuicto caelestum numine rector;
quo motu tellus atque horrida contremuerunt
aequora concussitque micantia sidera mundus.
ipse autem caeca mentem caligine Theseus
consitus oblito dimisit pectore cuncta,
quae mandata prius constanti mente tenebat,
dulcia nec maesto sustollens signa parenti
sospitem Erechtheum se ostendit visere portum.
namque ferunt olim, classi cum moenia divae
linquentem gnatum ventis concrederet Aegeus,
talia complexum iuveni mandata dedisse:
'gnate mihi longa iucundior unice vita,
gnate, ego quem in dubios cogor dimittere casus,
reddite in extrema nuper mihi fine senectae,
quandoquidem fortuna mea ac tua fervida virtus
eripit inuito mihi te, cui languida nondum
lumina sunt gnati cara saturata figura,
non ego te gaudens laetanti pectore mittam,
nec te ferre sinam fortunae signa secundae,
sed primum multas expromam mente querellas,
canitiem terra atque infuso pulvere foedans,
inde infecta uago suspendam lintea malo,
nostros ut luctus nostraeque incendia mentis
carbasus obscurata dicet ferrugine Hibera.
quod tibi si sancti concesserit incola Itoni,
quae nostrum genus ac sedes defendere Erecthei
annuit, ut tauri respergas sanguine dextram,
tum vero facito ut memori tibi condita corde
haec uigeant mandata, nec ulla oblitteret aetas;
ut simul ac nostros invisent lumina collis,
funestam antennae deponant undique vestem,
candidaque intorti sustollant vela rudentes,
quam primum cernens ut laeta gaudia mente
agnoscam, cum te reducem aetas prospera sistet.'
haec mandata prius constanti mente tenentem
Thesea ceu pulsae ventorum flamine nubes
aereum nivei montis liquere cacumen.
at pater, ut summa prospectum ex arce petebat,
anxia in assiduos absumens lumina fletus,
cum primum infecti conspexit lintea ueli,
praecipitem sese scopulorum e vertice iecit,
amissum credens immiti Thesea fato.
sic funesta domus ingressus tecta paterna
morte ferox Theseus, qualem Minoidi luctum
obtulerat mente immemori, talem ipse recepit.
quae tum prospectans cedentem maesta carinam
multiplices animo voluebat saucia curas.
at parte ex alia florens volitabat Iacchus
cum thiaso Satyrorum et Nysigenis Silenis,
te quaerens, Ariadna, tuoque incensus amore.
. . . . . . . . . . .
quae tum alacres passim lymphata mente furebant
euhoe bacchantes, euhoe capita inflectentes.
harum pars tecta quatiebant cuspide thyrsos,
pars e divolso iactabant membra iuvenco,
pars sese tortis serpentibus incingebant,
pars obscura cavis celebrabant orgia cistis,
orgia quae frustra cupiunt audire profani;
plangebant aliae proceris tympana palmis,
aut tereti tenvis tinnitus aere ciebant;
multis raucisonos efflabant cornua bombos
barbaraque horribili stridebat tibia cantu.
talibus amplifice vestis decorata figuris
puluinar complexa suo velabat amictu.
quae postquam cupide spectando Thessala pubes
expleta est, sanctis coepit decedere divis.
hic, qualis flatu placidum mare matutino
horrificans Zephyrus proclivas incitat undas,
Aurora exoriente vagi sub limina Solis,
quae tarde primum clementi flamine pulsae
procedunt leviterque sonant plangore cachinni,
post vento crescente magis magis increbescunt,
purpureaque procul nantes ab luce refulgent:
sic tum vestibuli linquentes regia tecta
ad se quisque vago passim pede discedebant.
quorum post abitum princeps e vertice Pelei
advenit Chiron portans siluestria dona:
nam quoscumque ferunt campi, quos Thessala magnis
montibus ora creat, quos propter fluminis undas
aura parit flores tepidi fecunda Favoni,
hos indistinctis plexos tulit ipse corollis,
quo permulsa domus iucundo risit odore.
confestim Penios adest, viridantia Tempe,
Tempe, quae silvae cingunt super impendentes,
Minosim linquens doris celebranda choreis,
non vacuos: namque ille tulit radicitus altas
fagos ac recto proceras stipite laurus,
non sine nutanti platano lentaque sorore
flammati Phaethontis et aerea cupressu.
haec circum sedes late contexta locauit,
vestibulum ut molli velatum fronde vireret.
post hunc consequitur sollerti corde Prometheus,
extenuata gerens veteris vestigia poenae,
quam quondam silici restrictus membra catena
persoluit pendens e verticibus praeruptis.
inde pater diuum sancta cum coniuge natisque
advenit caelo, te solum, Phoebe, relinquens
unigenamque simul cultricem montibus Idri:
Pelea nam tecum pariter soror aspernata est,
nec Thetidis taedas voluit celebrare iugales.
qui postquam niveis flexerunt sedibus artus
large multiplici constructae sunt dape mensae,
cum interea infirmo quatientes corpora motu
veridicos Parcae coeperunt edere cantus.
his corpus tremulum complectens undique vestis
candida purpurea talos incinxerat ora,
at roseae niveo residebant vertice vittae,
aeternumque manus carpebant rite laborem.
laeua colum molli lana retinebat amictum,
dextera tum leviter deducens fila supinis
formabat digitis, tum prono in pollice torquens
libratum tereti versabat turbine fusum,
atque ita decerpens aequabat semper opus dens,
laneaque aridulis haerebant morsa labellis,
quae prius in leui fuerant exstantia filo:
ante pedes autem candentis mollia lanae
vellera uirgati custodibant calathisci.
haec tum clarisona pellentes vellera voce
talia divino fuderunt carmine fata,
carmine, perfidiae quod post nulla arguet aetas.
o decus eximium magnis virtutibus augens,
Emathiae tutamen, Opis carissime nato,
accipe, quod laeta tibi pandunt luce sorores,
veridicum oraclum: sed uos, quae fata sequuntur,
currite ducentes subtegmina, currite, fusi.
adveniet tibi iam portans optata maritis
Hesperus, adveniet fausto cum sidere coniunx,
quae tibi flexanimo mentem perfundat amore,
languidulosque paret tecum coniungere somnos,
leuia substernens robusto bracchia collo.
currite ducentes subtegmina, currite, fusi.
nulla domus tales umquam contexit amores,
nullus amor tali coniunxit foedere amantes,
qualis adest Thetidi, qualis concordia Peleo.
currite ducentes subtegmina, currite, fusi.
nascetur vobis expers terroris Achilles,
hostibus haud tergo, sed forti pectore notus,
qui persaepe vago victor certamine cursus
flammea praeuertet celeris vestigia ceruae.
currite ducentes subtegmina, currite, fusi.
non illi quisquam bello se conferet heros,
cum Phrygii Teucro manabunt sanguine
Troicaque obsidens longinquo moenia bello,
periuri Pelopis vastabit tertius heres.
currite ducentes subtegmina, currite, fusi.
illius egregias virtutes claraque facta
saepe fatebuntur gnatorum in funere matres,
cum incultum cano solvent a uertice crinem,
putridaque infirmis variabunt pectora palmis.
currite ducentes subtegmina, currite, fusi.
namque velut densas praecerpens messor aristas
sole sub ardenti flauentia demetit arua,
Troiugenum infesto prosternet corpora ferro.
currite ducentes subtegmina, currite, fusi.
testis erit magnis virtutibus unda Scamandri,
quae passim rapido diffunditur Hellesponto,
cuius iter caesis angustans corporum aceruis
alta tepefaciet permixta flumina caede.
currite ducentes subtegmina, currite, fusi.
denique testis erit morti quoque reddita praeda,
cum teres excelso coaceruatum aggere bustum
excipiet niveos perculsae virginis artus.
currite ducentes subtegmina, currite, fusi.
nam simul ac fessis dederit fors copiam Achiuis
urbis Dardaniae Neptunia solvere uincla,
alta Polyxenia madefient caede sepulcra;
quae, velut ancipiti succumbens victima ferro,
proiciet truncum summisso poplite corpus.
currite ducentes subtegmina, currite, fusi.
quare agite optatos animi coniungite amores.
accipiat coniunx felici foedere diuam,
dedatur cupido iam dudum nupta marito.
currite ducentes subtegmina, currite, fusi.
non illam nutrix orienti luce revisens
hesterno collum poterit circumdare filo,
anxia nec mater discordis maesta puellae
secubitu caros mittet sperare nepotes.
currite ducentes subtegmina, currite, fusi.
talia praefantes quondam felicia Pelei
carmina divino cecinerunt pectore Parcae.
praesentes namque ante domos invisere castas
heroum, et sese mortali ostendere coetu,
caelicolae nondum spreta pietate solebant.
saepe pater divum templo in fulgente reuisens,
annua cum festis venissent sacra diebus,
conspexit terra centum procumbere tauros.
saepe uagus Liber Parnasi vertice summo
Thyiadas effusis evantis crinibus egit,
cum Delphi tota certatim ex urbe ruentes
acciperent laeti divum fumantibus aris.
saepe in letifero belli certamine Mauors
aut rapidi Tritonis era aut Amarunsia virgo
armatas hominum est praesens hortata cateruas.
sed postquam tellus scelere est imbuta nefando
iustitiamque omnes cupida de mente fugarunt,
perfudere manus fraterno sanguine fratres,
destitit extinctos gnatus lugere parentes,
optauit genitor primaeui funera nati,
liber ut innuptae poteretur flore novercae,
ignaro mater substernens se impia nato
impia non verita est diuos scelerare penates.
omnia fanda nefanda malo permixta furore
iustificam nobis mentem avertere deorum.
quare nec talis dignantur visere coetus,
nec se contingi patiuntur lumine claro.
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